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A l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, l’Alliance vous propose un focus sur les inégalités femmes hommes dans les politiques de transition énergétique.
Les inégalités de genre accroissent la vulnérabilité de certains groupes face à la crise climatique. Selon l’ONU, près de 158,3 millions de femmes, filles et minorités de genres supplémentaires pourraient être poussées dans la pauvreté d’ici 2050. Pourtant, ces mêmes groupes sont les moins responsables du dérèglement climatique. Une étude suédoise montre que les dépenses moyennes des hommes en biens entraînent beaucoup plus d’émissions que celles des femmes pour le même montant de dépenses (Carlsson Kanyama et al., 2021).
Cette dimension genrée de l’impact de la crise écologique est également à interroger dans les politiques publiques mises en place pour en atténuer les effets, et notamment dans la transition énergétique.
L’intégration de la notion de genre, et la participation de tous et toutes dans les espaces de demande, d’offre et de prise de décision au sein de la transition énergétique sont essentiels pour une transition juste et efficace. La transition énergétique peut être un véritable levier pour construire une société plus inégalitaire, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas en France.
Barbara Nicoloso est Directrice de Virage Energie, et a écrit un essai publié prochainement sur la (non) prise en compte du genre dans les politiques de transition énergétique, au niveau de l’Union européenne et dans les politiques françaises. Elle documente ainsi ces inégalités de genre et propose des préconisations pour faire de la transition énergétique un vecteur d’égalité.
A l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, l’Alliance propose un focus sur le travail de Barbara Nicoloso. Notre synthèse propose des exemples et préconisations pour les collectivités territoriales.
Les politiques publiques ont très été basées sur les besoins du groupe social dominant ou sur les besoins des personnes qui ont pendant longtemps pris les décisions, c’est-à-dire essentiellement les hommes. Alors que les politiques de transition énergétique sont une occasion de lutter contre les inégalités sociales, une mauvaise conception de celles-ci peut créer et exacerber des écarts entre hommes et femmes, comme l’accès à l’énergie et au transport par exemple.
Malgré l’existence d’une base juridique pour l’intégration de la dimension de genre en France (loi du 4 août 2014), la sensibilisation et/ou la reconnaissance de la nécessité de son application restent faible parmi les décideurs politique. L’énergie est considérée comme une question neutre, les travaux sur le lien entre le genre et l’énergie au niveau de l’Union européenne ne sont pas pris en compte dans l’approche française de la transition écologique.
Les politiques d’aide à la rénovation énergétique ne prennent pas en compte la notion de genre : les aides sont majoritairement destinées aux propriétaires, en majorité des hommes, sans se poser la question de qui sont les victimes de la précarité énergétique : en France, 60% des personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté sont des femmes.
Dans son 28e rapport sur l’état du mal logement en France, la Fondation pour le logement des défavorisés pointe les inégalités femmes hommes face au mal logement. Les femmes sont plus exposées aux emplois précaires les moins bien rémunérés et aux temps partiels, à la tête de famille monoparentale. 82% des familles monoparentales sont tenues par des femmes. Elles sont plus souvent en situation de précarité que les hommes, et ce quelle que soit la tranche d’âge. Les risques d’habiter dans un logement indigne ou suroccupé sont plus élevés pour les mères célibataires à classes sociales égales. Enfin, les violences conjugales constituent un facteur particulièrement aigu du mal-logement entraînant bien souvent la perte du logement pour la victime.
Suite à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, de nombreux pays européens ont dû accélérer leurs mesures d’économies d’énergie et de transition. La France dans ce contexte a été particulièrement active avec la mise en place au printemps 2022 d’un Plan de sobriété énergétique, appelant l’ensemble des institutions publiques, au niveau national comme local, public comme privé, ainsi que les citoyens à réduire leur consommation d’énergie. Ce plan, qui visait à réduire la consommation énergétique du pays de 10% en deux ans comprenait de nombreuses mesures efficaces pour inciter à la réduction de la consommation. Malgré le travail de nombreuses ONG, le plan manque d’une analyse sociale et genrée de l’impact des recommandations.
La ville de Quesnoy-sur-Deûle, dans le nord de la France, a pris en compte la dimension de genre dans sa politique d’éclairage public, qui a fait l’objet d’une campagne de sensibilisation, en collaboration avec la police, les pompiers, la population. L’éclairage n’est éteint qu’après le passage du dernier bus et rallumé avant le premier. Des kits de visibilité pour piétons et cyclistes sont disponibles, et des promenades urbaines sont organisées avec des femmes et des personnes non binaires pour identifier les zones non éclairées qui pourraient poser problème.
A Faches-Thumesnil, près de Lille le projet CASBAH qui réunit décideurs locaux, travailleurs sociaux, ingénieurs, met en œuvre des solutions à destination des femmes seules avec enfants pour rafraîchir leur habitation dans les vagues de chaleur lorsque l’achat d’un système de ventilation ou de climatisation est au-dessus de leurs moyens financiers.
La Fédération urbaine de la Bicyclette a publié une série de recommandations à l’intention des municipalités et des groupes citoyens pour permettre aux femmes de jouer un rôle plus important dans l’élaboration des politiques cyclables. Parmi ces recommandations : des réunions à l’heure du déjeuner, garde d’enfant lors des réunions en soirée, balades urbaines et cyclables en non mixité pour mieux percevoir les problématiques spécifiques liées au genre etc.
Cet article a été rédigé à partir de la note politique réalisée par Barbara Nicoloso et Taube Van Melkebeke, que vous pouvez consulter en anglais ci-dessous.
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